J’ai raté mon suicide
Certains ratent leur vie, d’autres une recette, moi, j’ai raté mon
suicide. Je sais, ça sonne un peu bizarre, mais c’est quand même la réalité
et je te dirais* que c’est une maudite bonne affaire parce qu’habituellement,
je suis plutôt performante, tu vois ce que je veux dire?
Note: une première version, différente, de ce texte a été publiée sur le défunt blogue Actualités de Sympatico.
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Je ne suis pas allée assez loin
Tu sais, depuis quelques années, je m’implique bénévolement pour la
prévention du suicide. Ça a débuté avec une vidéo réalisée pour l’AQPS où j’ai partagé
mon histoire, les yeux pleins d’eau, devant la caméra.
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Depuis, j’ai été approchée quelques fois pour témoigner à nouveau. Une fois, j’ai accepté d’échanger avec
une recherchiste qui travaillait à un futur documentaire sur le sujet.
Après quelques questions, j’ai compris que mon histoire ne serait pas
retenue, elle n’était pas assez spectaculaire, je n’avais pas le visage
défiguré, de séquelles permanentes ou d’anecdote bien sanglante.
Le suicide en héritage
Il y a quelques années, après plusieurs mois d’urgence, de mauvaises
nouvelles, de désespoir et de fatigue, j’ai commencé à rêver en douce d’un « trou
noir pour moi toute seule » pour m’y rouler en boule et mettre la « switch
à off ». Tu comprends?
Un jour, j’ai réalisé que ce désir d’arrêter de souffrir que ce « rien »
signifiait peut-être partir, comme dans mourir. Le garage de mon père. Les
viaducs en béton de l’autoroute. Le contenu de ma pharmacie.
Un matin, je suis sortie du brouillard alors qu’à la télé, un porte-parole
parlait de la douleur de ceux qui restent, qui souffrent, qui ne comprennent
pas, qui ont honte et qui doivent vivre avec cet héritage toxique.
J’ai eu peur
J’ai eu peur. Peur de moi. Peur de ma détresse. Peur de blesser mes
proches, ceux qui m’aimaient et m’entouraient. Que j’aimais aussi! Ô comme je
les aimais, si tu savais! Et encore une fois, j’ai senti la peur. Pas juste
le rien et le noir pis ma douleur, mais aussi celle des autres.
À ce moment, j’ai su que cette solution permanente, violente et définitive
était une réponse à une situation qui elle, ne l’était pas. Et je suis allée
chercher de l’aide. Je ne suis pas meilleure que les autres, que ceux qui
sont partis. Je me sens mal pour eux quand leurs proches me reprochent ma
présence alors qu’eux souffrent, endeuillés.
Je ne suis pas plus courageuse. Je le sais. J’ai juste raté mon
suicide. Je n’ai pas fermé la porte du garage. Je n’ai pas foncé sur le mur de
béton. Je n’ai pas vidé le contenu de la pharmacie. Je me suis simplement
présentée à l’urgence et j’ai demandé de l’aide.
Avant. Heureusement. C’est ce que je te souhaite. De la vie, à la tonne!
VA CHERCHER DE L’AIDE!
Même quand c’est difficile, même quand les deuils s’enchaînent, que malgré
ta bonne volonté, ça ne va pas, que les soucis s’accumulent, que le boule
d’angoisse t’étouffe, que tu ne vois pas le bout, STP, VA CHERCHEZ DE
L’AIDE!
Ça va aller mieux demain ou peut-être la semaine prochaine, ça ne sera pas
facile, mais ça vaut la peine de continuer, de te relever, d’essayer. Pis si ça
ne va, que tu sens le vide sous tes pieds, que tu perds tes repères, appelle
le 911 et hurle ton désespoir, c’est le moment de t’exprimer, de demander
de l’aide parce que toi aussi, tu y as droit, que tu le mérites pis qu’on
compte sur toi. Tu es important pour nous!
Pis si jamais on te dit que dans le fond, tu as raté ton suicide, que ta
détresse n’était pas assez grande, que ton histoire n’est pas assez
spectaculaire, envoie-les chier promener en leur disant un beau
grand merci pis en croisant les doigts! Chaque fois que tu
croiseras un viaduc de béton pense à moi, je ferai pareil, on ne sera plus
jamais seul. OK?
Heureusement, tu es en vie pis je te love.
Jx
* Je sais, d’habitude, je ne te parle pas au « je » pis au
« tu », mais cette fois-ci, je trouvais que c’était trop
intime comme sujet pour qu’on se vouvoie, j’espère que ça ne te froisse pas?
Après tout, ça va faire deux ans dans quelques jours que je te jase par ici,
trois fois par semaine, on commence à se connaître, non?
Note: une première version, différente, de ce texte a été publiée sur le défunt blogue Actualités de Sympatico.
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Moi aussi, j'ai raté mon suicide... et plus d'une fois malheureusement... et pire encore, je ne suis toujours pas à l'abri. Le suicide, les pensées suicidaires font malheureusement parti de ma vie. J'ai honte de ça, mais je n'ai pas eu le choix d'apprendre à vivre avec, aller chercher de l'aide chaque fois, m'entourer de bonnes personnes. Ma vie est un éternel combat contre le suicide... mais c'est possible de tout de même bien vivre quand on apprend à l'accepter. Il faut toujours continuer d'avancer à l'intérieur de tout ça, avoir des buts plus grand que nature, avec quelque chose à espérer pour demain, une raison de vivre.
RépondreSupprimerMerci Chantal pour ton message généreux, je te souhaite que du beau, du bon et du vrai!
SupprimerJe comprends! Je suis pareille. Ma vie est un combat perpetuel contre les idée suicidaires.
SupprimerUne depression post-partum qui a degeneré en depression majeur. J'ai une petite fille en or, mais mon cerveau est trop malade pour l'apprécier à 100%. De savoir que je ne suis pas seule me fait un bien énorme.
J'ai aussi raté le mien. Je n'entendais plus les gens qui tentaient de me dire que j'étais importante. Je ne voyais plus les gestes de support. Aujourd'hui je remercie mes colocataires d'avoir appelé les secours. Je n'aurais jamais rencontré mes deux petits cocos d'amour.
RépondreSupprimerMerci Julie pour ce témoignage touchant, ta transparence et cette main tendue qui offre support à qui en a besoin. Je penserai à toi chaque fois, chaque fois...
(Le "je" est le seul pronom possible pour ce sujet, le seul qui réduit la distance entre les êtres)
J'ai aussi raté le mien. Nous sommes en août 2000. Ma carrière de journaliste va nulle part. J'en ai marre des hebdos, j'en ai marre de couvrir l'actualité de Ville Mont-Royal, les crises de Ricardo Hrtschan (maire à l'époque), dealer avec l'égo des conseillers municipaux qui se prennent pour des Gandhi ou des Herb Froman, le roi de la saucisse de Chicago. Marre de mal aller, de sentir que je dérange tout le monde, de répondre aux "plaintes" de pauvres connes qui se plaignent qu'un seul article ne soit pas traduit en anglais, marre de ce cul-de-sac de merde, de ce cerveau que je ne comprend pas et qui m'en fait voir de toutes les couleurs, marre de me trouver gagnant seulement dans mes nombreuses vies rêvées. Un midi, je décide de traverser la rue Laurier sans regarder. Il y avait un camion qui s'en venait en direction Est. Je le savais. On verra ce que le destin décidera : me faire frapper ou franchir la distance entre les deux trottoirs sans égratignure. La vie a gagné. Aurait-elle dû ? Le seul soutien que j'ai reçu de mon employeur fut d'aller prendre une bière avec le directeur des hebdos de L'Ouest de l'île "pour jaser". Ensuite, voyant que je mettais tout le monde mal à l'aise, j'ai préféré démissionner. J'y pense chaque jour. J'ai encore des idées noires. Entre cette tentative et aujourd'hui, j'ai accumulé d'autres erreurs, j'ai émis d'autres jugements et les idées noires continuent.
RépondreSupprimerTa vie, plein d'expériences,vaut le coup de la vivre. Ne lâchez pas. Même si tu ne le crois, t'es vraiment important pour tous!
RépondreSupprimerChaque fois que j'ai pensé aller chercher de l'aide ou que j'en ai parlé, on m'a laissé entendre que de penser se suicider n'est pas assez critique pour se rendre à l'urgence.. et d'un autre côté, tu n'es pas toujours pris au sérieux quand tu te rends à l'urgence en disant ça (surtout quand tu as un trouble de la personnalité). Un professionnel m'a aussi répondu que j'avais une personnalité histrionique, c'est à dire que je cherchais l'attention. À partir de quand sait-on qu'on est vraiment rendu à risque de commettre l'irréprochable, je ne le sais plus.. l'aide n'est pas toujours au rendez-vous... Bravo pour ton texte et à toi d'avoir fait le nécessaire pour rester!!!
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